J'étais dans un couloir. Je marchais tranquillement, mon walkman (Ouais, je sais c'est vintage ...) jouant une musique dont je ne connaissais pas le nom ♪. C'était beau, doux. Comme une brise en été. D'ailleurs, je pense qu'il y en avait une, la fenêtre était ouverte. Je marchais en regardant mes pieds, je les posais l'un après l'autre. Un, deux, trois [...] trente-deux. Je comptais mes pas dans ma tête jusqu'au moment où je me cognai contre le mur. Il est court ce couloir. Les escaliers étaient près de moi, à quelques pas derrière, à vue de nez je dirais cinq.

"- Un, deux, trois, quatre, cinq."

Le compte est bon. La musique continuait de jouer. Je n'avais même pas remarqué que j'avais compté à voix haute. J'avais peut-être chuchoté. Ça serait mieux pour ne pas avoir d'avertissement. Je décidai de m'engouffrer dans la cage d'escalier. Je regardai un court instant autour de moi. Personne. Et puis je me posai sur une marche glacée. Je laissai d'abord mon gros bouquin de droit sur la marche, et ensuite je m'assis délicatement. Je repris le livre et le mis sur mes genoux. J'ouvris une page au pif. 156. Du baratin sur le Code Civil français. Mais à quoi ça sert ? On est pas en France mais au Japon ici. Je continuai à feuilleter mes pages pour finalement revenir à ma fameuse page 156.

La chanson sur mon walkman avait changé, ♫ cette chanson je connaissais son titre, elle était française. Quel hasard ! Malgré ma passion pour les langues, je ne voulais pas apprendre le français. Je la trouvais plutôt chantante mais je la trouvais trop commune. Le lituanien, je le parlais couramment et je pense que je partirai là-bas un jour, le norvégien aussi je le parlais bien, mais lui je commençais à l'oublier, avec le temps. Mais maintenant la musique m'absorbait. Un léger souffle s'échappait d'entre mes lèvres. "Bang, bang ..." Mes yeux fuyaient un instant les lignes du gros bouquin. Je chantonnais du yaourt, yaourt français.

Dans mon Chipao serré comme tout qui faisait ressortir mes plus belles formes, je me devais d'acquérir une nouvelle conquête. Le numéro 76. Mais pas aujourd'hui. Demain ? Peut-être. Mes longs cheveux bruns tombaient sur la page 156. Je repensai à mes tenues aguicheuses dans la petite valise sous mon lit. Elles allaient prendre la poussière, enfin, pour moi deux semaines c'est long à mourir. Je tendis légèrement ma jambe, mais en veillant à ce que personne ne puisse tomber. Une chaussure à talons immenses Louboutin à son extrémité. Je paraissais déjà plus âgée que je l'étais, je pouvais tout avoir, des petits gars de 12 ans au vieux riche de 60 ans. La grande fente sur le côté de mon habit laissait apparent un porte-jarretelle brodé en dentelle. J'attendrais dès que je verrai ma proie. Pour ne pas tomber sur un petit ou petite ami(e) jaloux(se). J'étais parée.

Je me replongeai dans mon livre et je tournai la page, encore les mêmes blablas. De toute façon je me souviendrai de tout. Je lis la page en diagonale et les mots firent immédiatement gravés dans ma colossale mémoire.

♫ Any music here

Je fis sortie de mes rêveries par une jolie fille, pas très grande ni très petite, un mètre soixante-dix je dirais. Elle avait les yeux et les cheveux d'un bleu absorbant. Elle voulait passer près de moi à toute allure. Une si belle proie devait déjà avoir un(e) vrai(e) élu(e). Je ne pris même pas le temps d'enlever mes écouteurs, j'en sortis juste un de mon oreille gauche. Je la contemplais, mes cheveux étaient retombés sur mon bouquin. Elle était appuyée là, sur la rambarde de l'escalier. Je ne l'avais jamais vue. Bon, plutôt logique vu que je suis là que depuis peu. Elle gardait le silence, ce qui faisait ressortir toute sa grâce. Je me devais de lui parler, une si belle occasion se postait devant moi.

Elle me regardait encore. Je n'étais plus si sure de vouloir la faire devenir ma proie. On verra. Tes désirs seront des ordres, Lady. ♪ (Ouais, j'écoute des trucs vieux de 2008, et alors ?) Bon, comment commencer la conversation ? Des petits gestes. Ça marche à tous les coups. Je passai une mèche de cheveux derrière mon oreille. Une mèche avec des reflets roux. Maintenant, je laissais apparaître une boucle d'oreille sertie d'un rubis brillant. Allez, approche. Tu veux pas ? Bon, ok. Je me cambre. Ma grosse poitrine était maintenant dans toute sa fausse splendeur. Allez, je parle.

"Salut ! Désolée de ne pas t'avoir vue avant, tu es là depuis longtemps ?"

En fait, je n'attendais pas vraiment de réponse, tout ça c'était histoire de faire le premier pas. Et puis, elle ne pourra rien répondre à ce que je viens de dire. Peut-être que j'ai perdu toute ma crédibilité ? Bon j'attaque à nouveau, c'est reparti. Sera t'elle une amie ou alors une amante de plus ?

"Moi c'est Xia, enchantée. Et toi ?"

Bon, cette phrase m'avait l'air pas mal. Je me ferai d'abord passer pour une amie, pour savoir si elle a déjà un(e) copain (copine). Parce que les femmes ou les maris jaloux, j'ai déjà essayé. C'est pas top. J'en ai détruit des couples ... Oh, qu'est ce que je m'amuse ! Mais cette fille là, je ne voulais pas lui faire de mal. Elle était ... Comment dire ? Intéressante. J'aime les gens curieux. Et là, elle me paraissait être le gros lot. Ou peut-être pas ? Bref, j'avais fait mon boulot. J'attendais maintenant impatiemment sa réponse. Mais je ne le faisais pas voir sur les traits de mon visage. J'affichai un grand sourire en montrant toutes mes belles dents blanches. Ce n'était même plus pour attirer sa confiance. Je l'aimais bien cette fille là. Mon sourire était vrai et j'espère qu'elle l'avait senti.

♫ Any music here

"Moi c'est Xia, enchantée. Et toi ?"

La belle fillette avait réellement ressenti ma franchise. J'en étais si heureuse ! Elle tournait sur elle-même comme une toupie, riante et joyeuse. Celle-ci, elle ne finira pas sous mes draps, c'est moi qui l'ai décidé. Celle-ci, je la couvrirai de cadeaux, je la dorloterai comme la chose que j'ai de plus précieux au monde, celle-ci, elle sera mon amie. Rien d'autre. Elle paraissait gênée par ma question. Non, gentille demoiselle, n'ayez pas peur, je ne veux pas vous perturber. Et soudain, la belle glissa de la marche où elle tournait et tomba sur ses genoux. Si seulement je n'avais pas cette espèce de gros dictionnaire sur les genoux j'aurais pu la rattraper. Bête que je suis. Puis elle me répondit.

" Je m'appelle Shine. Excuse moi, je suis un peu trop maladroite ..."

J'avais laissé paraître une forme d'étonnement sur mon visage alors qu'elle me semblait tout à fait normale. Un peu maladroite, certes. Mais je n'aime finalement pas trop les personnes parfaites. Elle essayait de se remettre de ses esprits. Elle était toute mignonne et gentille. Je sentais ses lèvres frémir, elle voulait parler. Parle demoiselle, tu m'es si intéressante. Elle réfléchissait. Malgré son physique de mannequin, elle me semblait avoir quelque chose dans sa tête. Vous voyez, on peut être belle et intelligente.

" T...u es ici depuis combien de temps? E.. Et tu fais partie de quel groupe? Tu as quel âge? C'était quoi que tu lisait à l'instant... Tu fais du combien en chaussure? Aah... "

Elle était décidément la plus maladroite du monde. Je la sentais paniquée, mais je ne le voulais pas. J'ai dit que je la mettrai en confiance. A mon tour de parler. Ne t'inquiètes pas. Shine.

" Ah, je suis désolée de ne pas avoir retenu ta chute, Shine. C'est mignon les gens maladroits tu sais. Je suis ici depuis le début de l'année, c'est pour ça que l'on ne sait jamais vues. Je suis une Cerebum et toi ? C'est pour ça que je lisais un texte sur le Code Civil français. Je veux devenir avocate. Oh, et pour ma pointure, je fais du 36. J'oubliais, j'ai 16 ans !

Eh ben ! Quelle bavarde je suis ! Ça aurait presque pu me faire oublier la jeune fille qui était là, devant moi et qui se couvrait elle-même de ridicule. Elle se balançait d'avant en arrière. Elle avait peur de ma réaction. Je me levai en m'appuyant sur la rambarde. Je m'étirai un bon coup et pris mon bon gros livre. J'étais là, du haut de mes 1m75 et mes 10 cm de talons. Je pensais que je lui faisais encore plus peur comme ça, j'aurais dû rester assise. Je repris tout de suite mes erreurs.

" Pourquoi tu es dans cet état ? Souris un coup, ça te fera du bien. Viens, on va discuter au calme. Je te paye un soda à la cafèt' ?"

Je posai ma main sur son épaule. (L'autre tenait mon livre et mon walkman. ♫ ) Je fis un de mes plus beaux sourires. Cette fille le méritait largement.

♫ Any music here